Vraiment pas copains ? Muddy Waters et Howlin’
Wolf ne s’aimaient pas. Faut voir. Peut-être se toisaient-ils
réellement avec un mélange d’admiration et de mépris. Peut-être le choc
des titans n’était qu’un coup de com’ de Howlin’ Wolf, et ne valait
guère mieux qu’une histoire d’Olive et Marius. Quels que soient leurs
sentiments, ils n’ont pas empêché Muddy Waters d’être une force
centripète pour dames, ni Howlin’ Wolf d’être une force centrifuge pour
les rockers.
Wolf était le plus volubile des deux pour exprimer l’exaspération qu’il éprouvait de son « sometime friend ».
Question de caractère sans doute. Aussi, parce que c’était lui le
challenger. Donc à lui d’ouvrir les hostilités. L’autre pouvait
affecter l’indifférence, même au début des années 60, grillé à Chicago,
laissant Wolf prendre l’avantage. Wolf trouve encore des dates et des
gâches dans les studios. Muddy se replie sur le Smitty’s Corner mais, à
ce moment-là, Chicago n’est presque plus son ring. Le Boueux veut
changer de fuseau horaire (l’Europe), de devise (l’argent de poche de la
jeunesse blanche), et Wolf lui sucera toujours la roue. Muddy
enregistre avant lui (1948 pour l’un, 1951 pour l’autre), essaie Willie
Dixon avant lui, passe au format 33 tours avant lui, tourne has-been
avant lui, traverse l’Atlantique avant lui, se fourvoie avant lui dans
les caprices psychédéliques de Marshall Chess, le fils du boss, et
enregistre l’album du swinging London avant lui. Wolf ne l’aura précédé
qu’en deux occasions : quand il a fallu naître et mourir.En 1953, Wolf entre à Chicago au volant de sa DeSoto, 3 900 dollars en poche. Waters est encore, pour deux ans, la vedette de l’écurie Chess, le temps de tirer son feu d’artifice national : ‘Hoochie Coochie Man’, ‘I Just Want To Make Love To You’, ‘I’m Ready’ (1954), ‘Mannish Boy’ (1955) et, en queue de comète, ‘Got My Mojo Working’ (1956). Wolf n’arrive pas chez Chess comme la souillon de service. Il a quitté West Memphis et Sam Phillips, parce que Phillips truandait à la fois les frères Chess et les frères Bihari de Los Angeles, avec un amateurisme navrant. Il a vendu Wolf aux deux fratries. Les Bihari se tâtent pour sortir ‘Baby Ride With Me’, quand la chanson escalade les charts de Chicago à la 8e place. Fatigués des entourloupes de Phillips, les Chess échangent Wolf aux Bihari contre Rosco Gordon, puis exigent que leur nouvelle acquisition vienne habiter à Chicago. Des bluesmen qu’on installe à résidence et sur lesquels on investit à plus ou moins long terme, les annales de la Windy n’en ont pas recensés beaucoup. Le mois de son arrivée, Chess fait publier un encart publicitaire dans un canard local, pour annoncer la sortie du nouveau single de Muddy Waters, ‘Still A Fool’. En rédigeant le billet, Len Chess commet un lapsus révélateur, comme on dit : le canard annonce la sortie de « Still A Wolf ».
Wolf et Muddy ne se sont encore jamais croisés mais ils se connaissent, et sûrement s’apprécient par le disque. Len protège Muddy Waters, il veille à ne pas fomenter une concurrence interne, toujours mauvaise pour le commerce, la raison pour laquelle il a, par exemple, éconduit Honeyboy Edwards. Alors, pourquoi Wolf ? Len ne le voit sans doute pas comme une atteinte directe à Muddy tant leurs styles sont différents, et il voit juste. Muddy Waters a fait presque tout son temps chez Chess, sans contrat, comme un parent méridional. Wolf a démarré au Recording Service, chez Sam Phillips. Tout ce qui jaillit de ce derrick a déjà l’odeur du rock’n’roll, quatre ans avant qu’un freluquet de Tupelo ne vienne y jouer du bassin. A Memphis, Wolf n’hérite pas du bluebird sound, il n’a nul besoin d’acclimater la vibration du Sud aux contingences commerciales de Chicago. Il apporte dans le Nord ce rock de garage qui fait fureur en bas, un nerf qui le distingue de son rival. Pour Wolf, Len Chess n’est qu’un mauvais payeur congénital, son label n’est pas un projet qu’ils auraient eu implicitement en commun. Par contre, entre Muddy Waters et Len il y a vraiment une convergence d’intérêts. Le bluesman a fait décoller la maison, puis Len a tracé sa carrière. Il le confine d’abord dans un avatar de Delta un rien suspect, qui produit néanmoins son lot de rusticités toc : ‘I Can’t Be Satisfied’ (1948), ‘Rolling Stone’, ‘Louisiana Blues’ (1950). Len pense que c’est mieux pour les affaires (il a encore raison). Il ne commence à assouplir sa position qu’en 1951. Il laisse parcimonieusement Muddy enregistrer le genre de blues qu’il joue dans les clubs avec ses sidemen. Len tolère d’abord Little Walter (‘Long Distance Call’), puis Jimmy Rogers et Elgin Evans (‘Stuff You Gotta Watch’). Pendant que l’homme de Stovall aligne ses blues lents, à 538 miles de là le mastar entre en studio avec Ike Turner pour jouer la tectonique des plaques, dans la saturation des amplis : ‘Moaning At Midnight’, ‘How Many More Years’, ‘The Wolf Is At Your Door’.
Voici notre homme à Chicago deux ans plus tard. Assez vite Waters l’héberge et lui facture la location de la piaule, mais il fait pareil avec tous les sidemen qui vivent chez lui. Len Chess lui a demandé de jouer les hôtes, il s’exécute : il emmène Wolf au Zanzibar, au Silvio’s, au 708. Wolf y croise Willie Dixon, Lillie qui sera sa veuve, retrouve Robert Lockwood et ses compères de West Memphis, Hubert Sumlin, James Cotton, Willie Johnson (très dangereux quand il est cuit), et son ancien batteur Willie Steel. Qu’est-ce que Wolf peut bien penser de son hôte ? Muddy est toujours sapé comme un rastaquouère, Wolf doit le prendre pour un de ces pignoufs parvenus, à la dévotion de Len Chess. Muddy, taiseux et roué, garde ses sentiments pour lui.
Des crasses, ils s’en sont fait quelques unes bien sûr, mais ils s’en faisaient tous. Leur célèbre inimitié suscite toujours d’abondants commentaires parce qu’elle se cristallise sur les deux pinacles du South Side, devenus avec le temps l’apogée du blues tout court pour les tous rockers de la planète. Et aussi parce que leur antagonisme est parfait. On ne peut rêver contraste plus net, qu’il s’agisse du style ou de la personnalité, Muddy, retenu et introverti, Wolf, explosif et téméraire.
La première année à Chicago, Wolf n’enregistre pas. Chess grave des titres de 1952 que Sam Phillips gardait en stock. La séance inaugurale a lieu pendant l’année magique de Muddy Waters, en mars 1954. Otis Spann bat l’ivoire pour Wolf, en cette veillée d’armes où fraterniser n’est pas encore trahir. Chess accouple ‘No Place To Go’ à ‘Rockin’ Daddy’, une chanson noire et un boogie joyeux à l’épithète funeste. Si Wolf, mais surtout Muddy, avaient pu diagnostiquer l’air du temps, ils auraient senti cette grosse charge virale qui commençait à l’infecter, et compris que les augures n’étaient pas excellents. Par ordre d’apparition, cette année-là: ‘Shake Rattle And Roll’ (Big Joe Turner), ‘Rock Around The Clock’ (Haley), ‘That’s All Right’ (Presley) et, millésime suivant: ‘Bo Diddley’, ‘Maybelline’ (Chuck Berry), ‘Whole Lotta Shakin’ Goin’ On’ (Big Maybelle)…
Leur guerre picrocholine commence par une chicane devant le syndicat des musiciens. Wolf est censé remplacer Waters au Silvio’s, quand Waters part en tournée. Silvio Corroza engage un autre groupe. Wolf porte plainte contre le Taiseux, le syndicat déboute le plaignant et lui inflige une amende de mille dollars. S’ensuit une série d’enfantillages, comme le débauchage des musiciens dans le camp ennemi. Waters avait pêché Eddie Shaw dans le Sud. Il sera le saxophoniste de Howlin’ Wolf jusqu’à la fin, mais Shaw aurait dû être celui de Waters, pourtant pas saxo-compatible. Shaw ne commence même pas le premier gig. Muddy non, mais la moitié de ses sidemen sont des frappes abruties par l’alcool. Stupéfait, Shaw quitte le Mel’s Hideway, traîne sur Damen Avenue, entend Wolf faire un gig dans un club, entre, est aussitôt recruté, Wolf, trop content de prélever un scalp dans le camp d’en face. Un peu plus tard, le Taiseux débarque dans ce club en plein concert. Il a beau avoir un gabarit plus modeste, Wolf ne l’impressionne pas. Waters a fait tous les clubs du ghetto, il circule ici comme dans son poulailler. Il vient réclamer à Shaw, qui lui doit vingt dollars, le prix de son affranchissement. Wolf s’interpose, jette deux billets sur la table : « Voilà ton fric. Maintenant, tu fous la paix à mes musiciens. »
Muddy Waters sait rendre sournoisement les coups. Pour preuve, la façon dont il subjugue Hubert Sumlin, quasiment le fils adoptif de Wolf et le maillon faible de la bande adverse. Wolf appointe Sumlin à 14 dollars la nuit. Dans ce milieu aucun patron n’est loué pour sa prodigalité, mais on tient le Loup pour un homme honnête. Muddy, c’est tout le contraire. Il offre pourtant à Sumlin trois fois le cachet que lui verse Wolf. Juste pour quelques gigs. Juste pour une tournée. Juste pour deux. Au final, Muddy kidnappe Sumlin pendant un an. A Chicago il multiplie les égards, envoie James Triplett, son chauffeur, le cueillir ostensiblement à la sortie des clubs. Wolf n’est pas furieux, il a le cœur brisé. En tournée, Waters change de registre. Il voyage dans sa limousine avec Triplett, ses sidemen s’entassent dans un autre véhicule. Il est distant vis-à-vis du band, moins sympa avec Sumlin, leur impose des cadences de stakhanoviste. Un soir au 708, Sumlin et Waters en viennent aux insultes. Les deux hommes s’empoignent par les revers. Otis Spann surgit, faisant siffler une chaîne qui cingle plus souvent le boss que sa cible. Après cet échange viril, Sumlin appelle Wolf du 708 et quémande sa grâce. Muddy a enjoint à ses musiciens de ne pas fréquenter ceux de son rival, mais les sidemen des deux bords se saoulent ensemble. James Cotton, un de la bande à Wolf, prend la succession de Jr Wells dans l’orchestre du Boueux, Otis Spann et Jimmy Rogers laissent brièvement leur nom dans la discographie du Loup. Wolf fait l’unanimité parmi ceux qui ont tâté des deux férules, notamment les transfuges de Muddy Waters : Wolf est meilleur leader, meilleur caissier, meilleur copain.
Dans les clubs, Muddy laisse le band tremper la chemise. Il parade dans la salle, s’attable avec une groupie, se fait désirer. Ce dédain est d’autant plus étonnant de sa part que Muddy Waters est le théoricien de l’osmose et ne veut exister qu’à travers l’orchestre, qu’il importe de garder sous contrôle. L’orchestre doit le digérer et l’ensemble, rouler comme un seul homme. Ce qui fera dire à Billy Boy Arnold, harmoniciste, que, sans ses musiciens, Muddy Waters n’a plus de son ; le Loup, même accompagné d’un glockenspiel, ne perdrait rien de son mordant. Toutefois, malgré le plastron du serf agricole qui a réussi, Muddy incarne la dignité sitôt qu’il s’approche du micro. Le mythomane Keith Richards n’a pas pu le voir repeindre un plafond dans les bureaux de la maison Chess. Jody Williams, guitariste, compare un concert de Waters à un sermon dans une église baptiste, un concert de Wolf, à une bagarre de rue. Wolf ouvre avec le groupe, grimpe sur le comptoir, piétine les verres et les mains. Un tel déploiement de puissance… certes, Muddy Waters était impressionné, il l’a reconnu à plusieurs reprises, ajoutant, pour protester de son rang : « Mon nom est assez important pour que je n’aie plus à faire tout ça ». L’époque des transes est révolue, Muddy n’est plus un homme sous influence. « Les gémissements, les tremblements, j’avais tout appris à l’église. » Quand il n’était encore qu’une motte de terre sur la plantation de William Stovall, il savait déjà qu’il deviendrait « un homme exceptionnel ». Évoque-t-on les déclarations incendiaires de Wolf sur son compte, Muddy hausse les épaules : Wolf est rongé par la jalousie. Il jalouse d’ailleurs tous ceux qui valent quelque chose. Willie Dixon par exemple, qui fait la navette entre l’un et l’autre, chacun de ses deux interprètes lui reprochant de réserver les meilleurs titres à l’adversaire. Pour que Wolf accepte d’enregistrer ‘Spoonful’, Dixon lui fait croire qu’il la destinait à Muddy.
Wolf n’est pas plus authentique que Waters et leur querelle, probablement un argument de marketing de plus, comme la Gitane des chansons de Muddy Waters ou le hobo de ‘Smokestack Lightnin’ ’: ces deux figures du Sud n’appartenaient pas à l’imagerie de Chicago, n’existaient peut-être déjà plus sous la ligne Mason-Dixon à l’époque, mais elles leur permettaient de démarcher les migrants du Nord, de leur dire : On est né sous la même latitude, vous êtes mes clients. Et puis, il y avait un Loup pour les Noirs et un Loup pour les Blancs. Ceux-ci sont fascinés par le pachyderme vicieux qui fixe une fille et fait aller et venir l’harmonica entre ses lèvres, par le type du festival d’Ann Arbor, la casquette de baseball à l’envers, qui prolonge ses pantalonnades pelviennes pour emmerder Muddy Waters, programmé juste après.
En 1960 Muddy ne brille plus sur le South Side. Depuis combien d’années n’a-t-il sorti un hit ? 1956, ‘Got My Mojo Working’ ? Tout le monde le surclasse, Little Walter, Jimmy Reed, John Lee Hooker, puis Chuck Berry, Bo Diddley, bientôt la soul et le revival. Consciemment ou non, Muddy prépare l’échappée internationale qui manquera toujours à son rival : le couloir européen, les 33 tours pour un public estudiantin, des festivals comme Newport, courus par les Blancs. Il veut montrer qu’il est un vrai chanteur américain, pas juste un accident du ghetto.
C’est comme si Wolf avait pris sa place à sa Chicago. Le champ de manœuvre est moins ambitieux mais, quand on n’aime rien d’autre, ça va. Wolf est venu en Europe une paire de fois, il a un bataillon de fans chez ces angoras fumés au patchouli, mais il se trouve aussi bien aux États-Unis, et il a de quoi être content : Sumlin est en état de grâce et Willie Dixon bosse pour lui. Wolf le chambre en permanence, il reconnaît pourtant qu’entre 1960 et 1964, le gros lui écrit ses grands classiques (c’est le nom qu’on donne à un blues quand la jeunesse blanche s’en entiche) : ‘Wang Dang Doodle’, ‘Back Door Man’, ‘Spoonful’ ‘The Red Rooster’, ‘I Ain’t Superstitious’, ‘Goin’ Down Slow’, ‘Do The Do’, ‘Hidden Charms’, ‘Three Hundred Pounds Of Joy’, ‘Built For Comfort’, ‘Killing Floor’…
Côté albums, hors compilations, Wolf n’a enregistré que quelques LP médiocres, sauf les London Sessions auxquelles il ne croyait pas. Muddy a lui-même bien merdé sur le front des 33 tours avant la mort de son contempteur, mais il laisse quelques jalons intéressants comme le Folk Singer de 1963. Chess essayait de le vendre aux beatniks dans la peau d’un bluesman rural, Muddy avait stylé ce disque acoustique de blues contemporain, lointain, abstrait… presque silencieux.
Wolf meurt l’année où Chess, marque moribonde, est achevée par All Platinium, juste un peu avant la résurrection de Muddy Waters. Au nombre des initiatives discutables de Marshall Chess : Super Super Blues Band, l’album qui réunit les deux pinacles du South Side (bien érodés en 1968), avec Bo Diddley dans le rôle de la crème antirides. Derrière ces propos hâbleurs, n’est-ce pas une sorte de sympathie qui filtre des enceintes ? On les voyait parfois vider un verre ensemble ou manger quelque chose. Nul n’est définitivement irréconciliable, surtout pas ces deux-là. Il faut toujours diviser par cinq ce qu’un bluesman déclare à un journaliste blanc, et ne pas constitutionnaliser les taquineries de deux rudes cabotins. Ces journalistes blancs ont raconté l’histoire du blues. Les bluesmen, qui se fichaient de finir dans une encyclopédie, ne les aidèrent pas beaucoup… quand ils ne les enfumaient pas.
Dans une galère où il n’y a pas d’idéalistes, où l’amitié se compte toujours en petites coupures, le cas Sumlin aurait sans doute beaucoup plus intéressé la faculté que le petit potin familial Howlin’ Waters/ Muddy Wolf. Ils ne se sont jamais directement mis sur la gueule et, dans ce milieu de poings, de lames et de calibres, c’est bien le signe que ça n’allait pas si mal. La rubrique des faits divers déborde de crimes passionnels. Autour de Muddy Waters les croque-morts font du chiffre, entre l’harmoniciste Henry Pot Strong, suriné par sa petite amie sous les yeux de Muddy qui montait le prendre, et le guitariste Pat Hare aux riffs heavy metal, qui avait enregistré ‘I’m Gonna Murder My Baby’ avant de passer à l’acte, abattant aussi le flic venu l’appréhender. James Segrest et Mark Hoffman, les biographes de Wolf, relatent un épisode particulièrement sordide des relations qu’il entretenait avec Sumlin. Ça se passe au milieu des années 60, lors d’une tournée dans le Sud. Dans le gros break Pontiac, toutes les bananes sont à l’envers. Wolf tient le volant, autre habitude qui le distingue de Waters. Sur la banquette arrière, Sumlin et le batteur SP Leary conspirent sous cape. Soudain, Sumlin lance son poing et touche Wolf à la nuque. Le mastar se range, les trois hommes sortent. Wolf surveille surtout Leary, qui porte un couteau sur lui. A la première droite que mange Sumlin, Leary détale. Wolf dérouille son guitariste, le cœur léger, puis l’abandonne sur le bord de la route, ne perdant pas de vue le gig qu’il doit donner avec ce qu’il lui reste de sidemen. Brisé de la pointe des orteils à la racine des cheveux, Sumlin regagne Chicago et commence par visiter l’hôpital. La chaîne d’Otis Spann est oubliée, il propose ses services à Muddy Waters qui a justement une place pour lui. Cette fois Sumlin tient six mois, répétant à qui veut l’entendre qu’entre Wolf et lui, c’est bien fini. Une équinoxe plus tard, il est de nouveau le soliste et souffre-douleur du Loup. « On s’engueulait violemment parfois, mais c’est toujours moi qui revenais. »C’est dans cette fermentation de gnôle, de violence, de rancœurs et de rabibochages obscènes, où une raclée relève plus d’une perte de temps que d’un dommage physique et moral, que fut enregistrée une somme durable de moulins à fantasmes comme ‘I Just Want To Make Love To You’ et ‘Killing Floor’. Chaque note semble garder le souvenir d’une sueur froide. Le blues est peut-être quelque part par là.
Christian Casoni
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