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Cette vie qui commence, après le deuil d'une rock star



Après Brioche et Dependance day publiés chez Lattès, voici le troisième roman de Caroline Vié publié aux Escales Ni tout à fait une autre. Autant le dire immédiatement, c’est une réussite.

Par Hervé Bel


Dans les années 80-90, l’héroïne, une jeune fille sage malgré des apparences punk et gothique tombe amoureuse du jeune Ignace, dit « Iggy », passionné de rock, révolté chronique et bien entendu fils d’une famille très riche (se révolter demande en effet des moyens financiers). Ils se mettent ensemble. Après quelque temps, Iggy devient une star mondiale du rock, et tout change.
Sa femme devenue son manager s’occupe de tout, jusqu’à s’oublier elle-même, tellement prise par son travail qu’elle ne voit pas son mari sombrer dans la drogue, et finalement en mourir. Le roman commence d’ailleurs par le constat du décès d’Iggy. Scène à la fois drôle et tragique, avec ce médecin avec l’accent américain : « Il s’est étouffé dans son vomi. »
Toujours à la lisière de l’ironie, Caroline Vié brosse en quelques belles pages l’histoire de cet amour tragique. Mais le sujet du roman n’est pas là ; il porte sur le deuil et cette question : comment refaire sa vie quand on a perdu ce qui vous était le plus cher, et surtout si l’on a cinquante ans ? Comment accepter de passer à autre chose, à la maturité, ce qui implique de n’être plus tout à fait soi-même ?
Aimer à nouveau, passionnément ? C’est ce que l’héroïne croit d’abord, s’amourachant d’Adrien, de 10 ans plus jeune qu’elle, un être d’apparence falote sur lequel elle va cristalliser. La naissance de ce sentiment nouveau qui n’éclipse pas l’ancien pour Iggy est rendue impeccablement, de même que le processus du désamour qui suivra. Parfois, c’est si pertinent que j’ai songé, revue à l’acide, à la relation de Gilberte et du narrateur dans la Recherche, dans cette façon précise, implacable, avec laquelle l’attachement et sa dissolution sont suivis mot par mot.
Le texte est d’ailleurs constellé d’aphorismes et de réflexions souvent drôles, toujours justes. Comme celle-là, proustienne en diable : « Je peux supporter la goujaterie paisible d’Adrien. Ce qui fait mal c’est que je peux penser que je ne suis pas exceptionnelle pour lui. » Caroline Vié sait fouiller les âmes.

[Extraits] Ni tout à fait une autre de Caroline Vié

Finalement, ce roman est une leçon de vie, en terminant sur une touche optimiste : est-elle réaliste ? On aura une opinion variant selon son tempérament. Mais pour l’héroïne, en tout cas, la vie ne s’arrête pas à cinquante ans. Il y a une vie après, débarrassée des illusions et accrochée aux vraies valeurs, concrètes.
Vieillie, elle reste la même, tout en étant une autre, d’où ce beau titre tiré de Verlaine Ni tout à fait une autre.
Caroline Vie – Ni tout à fait une autre – Editions Les Escales – 9782365693325 – 17,90 € / Ebook 9782365693943 – 12,90 €

 

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