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Comme nous l’avions donc repéré, Frédéric Beigbeder, pour des raisons qui lui sont propres, a décidé de partir à la découverte de l’immortalité. Mais le noceur de Saint-Germain des Près, devenu un père de famille semi-responsable, ne peut s’attendre à ce que la quête soit aussi aisée que de commander une mousse au Flore. Ou un blanc.
Parti avec une fille imaginaire, Romy — qui finira, peut-être, par se marier avec un robot — en Suisse, Frédéric y rencontrera sur place une Eléonor, qui deviendra la mère de sa deuxième fille, Lou. Enfin, on dit Frédéric, parce que le narrateur dit « je », et qu’il a non seulement la verve, mais surtout l’arrogance, d’un Beigbeder Frédéric.
L’ouvrage va donc tourner ses pages autour de la question « Comment ne pas mourir » simplement parce qu’en bon père de famille, le narrateur a juré à sa fille première que plus personne ne mourrait désormais. Seul lui prendra évidemment cette promesse au sérieux, et voici comment l’on aboutit à 350 pages de vulgarisation scientifique.
Entrecoupé de lignes de séquençage du génome du narrateur, mais également d’un scanner de son cœur — reproduit en intégralité. Immortalité, régénération cellulaire, rajeunissement des organes, cryogénisation, et bien d’autres méthodes sont passées en revues, avec leurs périmètres d’action, mais surtout leurs limites.
[Extraits] Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder
Ce qui fait que de prime abord, on a plutôt entre les mains un livre qui tiendrait du Monde de Sophie,
de Jostein Gaarder — mais la philosophie a été remplacée par la
génétique, et ses variantes. Sauf que ne s’improvise pas écrivain
philosophe norvégien qui veut [et tout le livre de Gaarder, pour
passionnant, n’était pas égal].
Alors quoi ? Eh bien, dans la digne continuité des Mémoires d’un jeune homme dérangé, ou des textes qui suivirent, Beigbeder adopte pour sujet favori son nombril et ses angoisses. On pensait que l’autofiction avait fait son temps ; son chantre germanopratin lui en donne le coup de grâce. Simplement parce qu’après cet exercice où les ressorts et spécificités de l’écriture beigbedienne débarquent à la vitesse d’une exceptionnelle marée montante, il n’est pas utile d’en rajouter.
Le fond, de son côté, est pourtant intéressant — mettant même en scène des personnes réelles comme le docteur Laurent Alexandre, l’un des questionneurs du transhumanisme, en pointe sur le sujet. On fait le tour des laboratoires de recherche, des universités, des cabinets de consultation, ou même des SPA pour richissimes personnalités, qui proposent des piqûres au laser… Depuis le Moyen Âge, le charlatanisme a fait des progrès.
Pourtant, cette enquête menée avec la désinvolture aimable du chroniqueur de France Inter, ne manque pas de charmes. Elle réconciliera les adeptes de la science avec les deniers incultes, tout en fédérant les lecteurs autour d’une aventure pour une fois honnête : on mourra tous.
Aors quoi ? Beigbeder cinquantenaire surfe avec aisance sur la vague que Beigbeder, 30 ans plus tôt, a amorcée. On aime tout particulièrement entendre sa voix chaude à chaque ligne, on s’agace parfois de voir venir des âneries trop prévisibles, et plus souvent d’un mélange déséquilibré de cette vulgarisation avec des réflexions, des listes donnant l’impression de meubler…
Les fans y retrouveront ce qu’ils aiment dans le style – pourtant ni affiné ni plus efficace – les autres comprendront mal où ce roman les emporte. Il manque de cette magie d'antan, comme si Beigbeder imitait Beigbeder, ou d'une plus grande maturité d'aujourd'hui. Peut-être était-ce simplement là un moyen, pour le romancier, de dire à ses filles combien il les aime. Et que le temps avec elles lui semble déjà trop court. Quel père ne serait pas d'accord ?
Frédéric Beigbeder – Une vie sans fin — Éditions Grasset — 9782246812616 – 20 €
Frankenstein, Dracula et Beigbeder sont à une terrasse : qui commande un jus détox au sang de vierge, à s’injecter en intraveineuse ? La réponse n’est pas si simple, d’autant que si les deux premiers sont des personnages fictionnels, le troisième aime plus que tout se mettre en scène. Son dernier roman, Une vie sans fin, donne le tournis comme un des brins hélicoïdaux dextrogyres… (mais si, la double hélice…)
Comme nous l’avions donc repéré, Frédéric Beigbeder, pour des raisons qui lui sont propres, a décidé de partir à la découverte de l’immortalité. Mais le noceur de Saint-Germain des Près, devenu un père de famille semi-responsable, ne peut s’attendre à ce que la quête soit aussi aisée que de commander une mousse au Flore. Ou un blanc.
Parti avec une fille imaginaire, Romy — qui finira, peut-être, par se marier avec un robot — en Suisse, Frédéric y rencontrera sur place une Eléonor, qui deviendra la mère de sa deuxième fille, Lou. Enfin, on dit Frédéric, parce que le narrateur dit « je », et qu’il a non seulement la verve, mais surtout l’arrogance, d’un Beigbeder Frédéric.
L’ouvrage va donc tourner ses pages autour de la question « Comment ne pas mourir » simplement parce qu’en bon père de famille, le narrateur a juré à sa fille première que plus personne ne mourrait désormais. Seul lui prendra évidemment cette promesse au sérieux, et voici comment l’on aboutit à 350 pages de vulgarisation scientifique.
Entrecoupé de lignes de séquençage du génome du narrateur, mais également d’un scanner de son cœur — reproduit en intégralité. Immortalité, régénération cellulaire, rajeunissement des organes, cryogénisation, et bien d’autres méthodes sont passées en revues, avec leurs périmètres d’action, mais surtout leurs limites.
[Extraits] Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder
Ce qui fait que de prime abord, on a plutôt entre les mains un livre qui tiendrait du Monde de Sophie,
de Jostein Gaarder — mais la philosophie a été remplacée par la
génétique, et ses variantes. Sauf que ne s’improvise pas écrivain
philosophe norvégien qui veut [et tout le livre de Gaarder, pour
passionnant, n’était pas égal].Alors quoi ? Eh bien, dans la digne continuité des Mémoires d’un jeune homme dérangé, ou des textes qui suivirent, Beigbeder adopte pour sujet favori son nombril et ses angoisses. On pensait que l’autofiction avait fait son temps ; son chantre germanopratin lui en donne le coup de grâce. Simplement parce qu’après cet exercice où les ressorts et spécificités de l’écriture beigbedienne débarquent à la vitesse d’une exceptionnelle marée montante, il n’est pas utile d’en rajouter.
Le fond, de son côté, est pourtant intéressant — mettant même en scène des personnes réelles comme le docteur Laurent Alexandre, l’un des questionneurs du transhumanisme, en pointe sur le sujet. On fait le tour des laboratoires de recherche, des universités, des cabinets de consultation, ou même des SPA pour richissimes personnalités, qui proposent des piqûres au laser… Depuis le Moyen Âge, le charlatanisme a fait des progrès.
Pourtant, cette enquête menée avec la désinvolture aimable du chroniqueur de France Inter, ne manque pas de charmes. Elle réconciliera les adeptes de la science avec les deniers incultes, tout en fédérant les lecteurs autour d’une aventure pour une fois honnête : on mourra tous.
Aors quoi ? Beigbeder cinquantenaire surfe avec aisance sur la vague que Beigbeder, 30 ans plus tôt, a amorcée. On aime tout particulièrement entendre sa voix chaude à chaque ligne, on s’agace parfois de voir venir des âneries trop prévisibles, et plus souvent d’un mélange déséquilibré de cette vulgarisation avec des réflexions, des listes donnant l’impression de meubler…
Les fans y retrouveront ce qu’ils aiment dans le style – pourtant ni affiné ni plus efficace – les autres comprendront mal où ce roman les emporte. Il manque de cette magie d'antan, comme si Beigbeder imitait Beigbeder, ou d'une plus grande maturité d'aujourd'hui. Peut-être était-ce simplement là un moyen, pour le romancier, de dire à ses filles combien il les aime. Et que le temps avec elles lui semble déjà trop court. Quel père ne serait pas d'accord ?
Frédéric Beigbeder – Une vie sans fin — Éditions Grasset — 9782246812616 – 20 €
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