prime student

Les fugueurs de Glasgow : rock'n' blues à l'écossaise


Loin du machair, des lochs, des paysage de tourbe et de lande des îles de Lewis et Harris, Peter May entraîne cette fois le lecteur dans la grisaille et la désolation des cités industrielles et ouvrières britanniques, de Glasgow à Leeds et le plonge au cœur de Londres, The Big Smoke, où dans les années 1960, la capitale, par son effervescence musicale et artistique, représentait la ville de tous les possibles, de toutes les expériences pour une jeunesse en mal de reconnaissance.
Une bal(l)ade mélancolique aux sonorités rock et psychédéliques, imprégnée de gravité et d'une certaine tristesse, d'inspiration sans doute très personnelle (et d'autant plus forte) à laquelle le lecteur souscrit assez naturellement, plutôt satisfait même si ce roman, au final, n'atteint pas la profondeur et la puissance de la trilogie écossaise, ni même de L'île du serment précédemment parues.
Néanmoins, la description pleine d'intérêt d'une époque devenue mythique, l'attention sensible portée aux conditions de vie d'une société en pleine mutation, le regard juste et sombre posé sur la vieillesse et sa solitude,  la construction originale et le rythme en deux temps séduisent d'emblée et garantissent une lecture à la fois divertissante et instructive, toute en tension et en émotion, à peine alourdie par quelques effets mélodramatiques vite oubliés.
Davantage roman noir que polar, Les fugueurs de Glasgow contient la nostalgie d'une jeunesse enfuie, la difficulté et la douleur de vieillir, inévitables. Alors, forcément, c'est peu réjouissant mais si semblable à la réalité qu'on ne peut que s'y accrocher et s'en mêler, interpellé.

En 1965, une bande de cinq copains musiciens fugue de Glasgow vers Londres avec l'espoir d'une vie moins modeste et des rêves de gloire et de musique. Un voyage qui passe par Leeds, se heurte à la drogue et à la violence, où le narrateur, Jack rencontre l'amour, où les expériences en communauté sous acide sont à la mode, où la musique est l'expression de toutes les libertés, des Beatles à Bob Dylan, où l'Op Art commence à percer, où finalement chacun se berce d'illusions, déchante et souffre mais s'émancipe, vibre intensément.
"C'est notre dernière chance de faire quelque chose. La dernière !"
En 2015, cinquante ans plus tard, un sordide fait-divers relance sur la route trois des protagonistes dont l'un souffre d'un cancer en phase terminale.  "Des hommes âgés, des ombres aux vies presque résolues et sans relief". Aidés par le petit-fils de Jack, presque dans les mêmes conditions de voyage, les vieillards atteignent Londres, revivent leurs souvenirs avec nostalgie, regrets et tristesse, fuient à l'identique, une vie qu'ils n'ont pas souhaitée, remarquent les changements économiques des villes qu'ils traversent, brisent des secrets, achèvent le chemin initié cinquante ans plus tôt.
Avec cette alternance d'époques chapitre après chapitre, l'histoire se dessine et s'intensifie, trouve sa résolution progressivement, disséminant habilement, ça et là, des effets de tension palpables. Une ambiance captivante, bien qu'un peu lente à démarrer et même si l'escapade des trois vieillards n'apparait pas toujours crédible, l'atmosphère particulière, entre désespoir et noirceur, dérision et amertume convainc car les personnages principaux, qu'ils soient jeunes ou âgés restent attachants et finalement, assez proches de nous.

Aucun commentaire:

Messages les plus consultés