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THE ROLLING STONES Back to the roots


Sacrés filous ! L’annonce d’un nouvel opus des Stones n’avait suscité, au mieux, qu’un intérêt poli. Mais quand on apprend qu’il ne s’agira pas de compositions originales - dont franchement tout le monde se contrefiche – mais exclusivement de reprises blues, l’affaire prend une tout autre ampleur…
Il faut dire que ces vieux briscards savent y faire. Depuis des décennies ils n’atteignent plus le sommet des charts (pour autant que ça signifie encore quelque chose) : ‘Start Me Up’, dernier hit en date, date tout de même de 81blues rolling stones… Comment, dans ces conditions, susciter encore l’intérêt, en veillant à se faire plaisir et en conservant un minimum de crédibilité ? Un disque de blues, pardi ! Des reprises, encore bien ! Soyons honnête, il ne s’agit pas là de pur opportunisme. L’amour des Stones pour la chose ne date pas d’avant-hier, Keith y consacre d’ailleurs de fort belles pages dans Life, son livre autobiographique. On ne fera pas l’injure de rappeler que le nom même du groupe est un emprunt à un titre de Muddy Waters, on rappellera également que le guitariste a fait ses gammes en tentant de reproduire les accords de Jimmy Reed.
Et le serpent se mord la queue, en quelque sorte. Le premier album, intitulé fort justement The Rolling Stones, ne comprenait qu’un inédit (‘Tell Me’), le reste balançant entre rock’n’roll, blues et rhythm’n’blues (‘Carol’, ‘Route 66’, mais aussi ‘I’m A King Bee’, ‘I Just Want To Make Love To You’ ou encore ‘Walking The Dog’), le tout avec une sauvagerie et une rudesse peu communes à l’époque. Et contrairement à d’autres – Led Zep signant plus tard « Page-Plant » des titres entièrement pompés à Willie Dixon – eux au moins citaient leurs sources. Précisons au passage qu’on se réfère ici à la discographie européenne, sensiblement différente, en ces premières années, de la version US (un fouillis sans nom, en fait, où il est facile de se perdre).
Les albums suivant poursuivent dans la même veine, et ce jusqu’à Aftermath, qui constitue une véritable cassure. S’ils cherchent à s’émanciper, s’ils glissent peu à peu des compositions propres, les Stones restent fidèles à la musique noire (au hasard des parutions : ‘Confessin’ The Blues’, ‘Everybody Needs Somebody To Love’, ‘That’s How Strong My Love Is’). Puis il y a Aftermath donc, premier album exclusivement constitué de titres inédits, puis Their Satanic Majesties Request, l’œuvre psychédélique. Les Stones semblent s’éloigner de leurs racines, et pourtant…’Their Satanic…’ ayant été un semi échec (critique, commercial, artistique), ils décident d’en revenir aux fondamentaux, et de quelle manière ! Beggars BanquetLet It BleedGet Yer Ya Ya’s Out ! Sticky FingersExile On Main Street, cinq sommets insensés, la quinte flush royale, peut-être la plus belle suite de l’histoire du rock. Et à chaque fois, ce n’est pas un hasard, ces titres bluesy qu’ils affectionnent. A nouveau ils s’approprient le genre, et proposent quelque chose d’unique – sans compter tous ces morceaux qui s’en imprègnent plus ou moins librement.
Beggars Banquet, tout d’abord… Gigantesque. Un jalon, un sommet… L’Everest ! Certes, Brian est déjà ailleurs (les scènes où il apparaît dans One + One, le film de Godard – outre le fait que ce dernier prouve qu’il n’a pasblues the rolling stones compris grand-chose au rock’n’roll – sont proprement glaçantes par moments). S’il ajoute ça et là une touche de mellotron, un peu d’harmonica, Brian Jones ne tient la slide que sur un titre, ‘No Expectations’. C’est Keith qui tisse l’essentiel des parties de guitare, empilant couche sur couche, ne dédaignant pas l’acoustique. Seigneur, ‘Street Fighting Man’ ! Nous sommes en 68, les Stones se positionnent… ‘Sympathy For The Devil’, ce solo ! Que le roi du riff ne parviendra jamais à reproduire, du reste… Nul ne sait quel remède il avait avalé ce jour-là. Comme souvent par la suite, ils font appel à une pléiade d’invités, dont Clapton, qu’on retrouva aussi récemment sur la version deluxe de Sticky Fingers. Pour ce qui nous occupe, il y a ‘Dear Doctor’ et ‘Prodigal Son’, gorgés de blues. ‘Stray Cat Blues’, sous-estimé et pourtant fabuleux. Et puis ‘No Expectations’, ‘Parachute Woman’, ‘Factory Girl’, merveilles de country blues dévoyé. C’est également le premier album produit par Jim Miller, qui les accompagnera jusqu’à ‘Goat’s Head Soup’.
Brian n’assistera pas à la parution de  Let It Bleed, excusé qu’il est pour cause d’expulsion et de décès. Il n’y joue d’ailleurs pas la moindre note de guitare. Les Stones lui ont trouvé un remplaçant, Mick Taylor, ex-accompagnateur de Mayall, c’est dire s’il connait son sujet. On a beaucoup glosé sur son arrivée, mais il faut bien le reconnaître, si Jones était le plus inventif (et Ronnie Wood le plus stone), des trois, Taylor fut le meilleur musicien. Seuls les sots s’étonneront qu’il apparaisse sur ce qui restera comme les meilleurs albums du groupe – même si sur cet album il n’intervient encore que sur deux titres. Let It Bleed c’est la divine Mary Clayton qui irradie ‘Gimme Shelter’, le terrifiant ‘Midnight Rambler’ (ah, ces concerts des seventies où inévitablement, Jagger ôtait son ceinturon pour en fouetter le sol avec vigueur…), et toujours ce country blues dénaturé (‘Country Honk’, ‘You Got The Silver’). Et ‘Love In Vain’ (Ry Cooder à la mandoline), reprise à Robert Johnson, qui paraîtra également sur le live Get Yer Ya-Ya’s Out ! Entre parenthèses, une référence au Get Your Yas Yas Out de Blind Boy Fuller…
On ne présente plus Sticky Fingers, sur lequel tout a été dit, ou presque. Contentons-nous de pointer ‘I Got The Blues’, sans équivoque, ‘Wild Horses’, co-composé par Gram Parsons, non crédité pourtant, bien qu’il fréquentât beaucoup Keith à l’époque, ‘Dead Flowers’ ou ‘You Gotta Move’, de Fred McDowell. Mick Taylor lui non plus n’est pas crédité, mais il participe à l’élaboration de plusieurs titres, et son apport musical est indéniable. Comme l’est celui des fidèles Nicky Hopkins, Ian Stewart et Billy Preston, tous aux claviers, ou Bobby Keys et Jim Price pour les cuivres.
blues the rolling stones
Exile On Main Street ? Pour certains fans, le meilleur album des Stones, pour une raison bien simple : c’est un double. Exile… album toxique, sale, malpoli, poisseux lui aussi, où ils malaxent toutes leurs influences : rock, soul, blues, boogie… le résultat est dévastateur.
La suite, comme chacun sait, n’est plus qu’un long déclin (musical, sinon commercial), avec quelques sursauts (It’s Only Rock’n’Roll, Some Girls, Steel Wheels à la rigueur) mais rien de réellement palpitant… Jusqu’à l’annonce de ce nouvel album. Ce n’est pas le retour de Clapton, le bluesman désormais en charentaises, qui va vraiment nous affoler. Par contre, le premier single,  ‘Just Your Fool’, une cover de Little Walter, est une belle réussite. Brute, dépouillée – l’album aurait été mis en boîte en trois jours – voilà une sérieuse mise en garde. Le groupe de Charlie Watts n’a jamais délaissé le blues – en témoignent leurs diverses tournées – mais on peut dire qu’ils ont rallumé la flamme. Sans doute pas de quoi rejoindre à nouveau les cimes du hit parade, mais voilà qu’on se remet à attendre le nouveau Stones avec fébrilité, comme à la grande époque. Well done, guys !
Marc Jansen
blues & lonesome the rolling stones
 

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