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Lancement de la revue Carbone, entre création littéraire, BD et pop culture



Entre pop culture et création littéraire, la revue Carbone trouve sa place : ce trimestriel, tout à la fois dessiné et numérique, propose sur 256 pages articles, BD, nouvelles avec une large place octroyée à la fiction. Le premier tome vient de sortir...




De l’avis de ses fondateurs, « Carbone est une balade intemporelle (comprenez sans souci d’actu) entre des critiques, des rétrospectives, des entretiens, des BD (originales et en exclusivité), des nouvelles, des récits photos, qui parfois se connectent pour former des univers transmédia ».
Vendue en librairies spécialisées BD, et généralistes, cette revue est proposée à 20 €. Et pour les fans de mobiles ou de tablettes, des contenus augmentés seront à scanner dans les articles, pour accéder à des éléments bonus.
Pour ce premier tome, on en apprendra autant sur la carte aux trésors dans One Piece, Westworld, Indiana Jones, Zelda ou Donjons et Dragons, que sur l’histoire véridique des conquistadors, des pirates ou des nazis qui ont dérobé l’or de l’Europe.
Mais la carte aux trésors, c’est aussi une manière de voir le monde, que l’on retrouve comme principe formel dans différentes œuvres tels que les bandes dessinées d’Alex Chauvel, les films Amblin ou encore le roman Player One.
Les cartes aux trésors, c’est enfin une grille de lecture fascinante pour observer l’évolution de la technologie, en particulier des réseaux, d’Internet et bien sûr de la réalité augmentée (merci Pokémon Go).
« De la même manière, et comme toujours dans Carbone, la fiction s’insère entre les articles, sous la forme d’une nouvelle, d’une bande-dessinée ou d’une fiction expérimentale, pour compléter la singularité de notre approche créative », explique l'équipe.
Aux commandes, on retrouve ainsi Jérôme Dittmar, rédacteur en chef édito, critique de cinéma et de jeu vidéo (Chronic’art, Fluctuat, Premiere, JV, Merlanfrit), cofondateur de Games Magazine, Louis-Antoine Dujardin, éditeur (les Humanoïdes Associés, Dupuis, Delcourt), Mathieu Rivero, Assistant éditorial et auteur ; Margaux Saly, community Manager ; Flore Poinsard, directrice générale de Fauns, auparavant Folimage ; Raphaël Penasa, directeur de publication et Faouzi Boughida, relations libraires & Gamification.

Retrouver Carbone.


Preacher tome 5 de Garth Ennis et Steve Dillon

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La situation se complexifie pour le trio Cassidy, Tulip et Jesse… Les épreuves laissent à penser que Jesse n’aura pas survécu à son dernier combat ce qui laisse Tulip dans un état de détresse avancé. Et cet état de détresse va la pousser dans les bras de Cass… Revenu en ville, et découvrant cette situation, Jesse décide de partir et d’oublier son ancienne vie.
Si ça ne tenait qu’à moi, tous les sacs à merde pleins de haine de la planète, qui pensent qu’ils sont choisis par Dieu à cause de leur couleur, seraient fortement encouragés à la quitter, un homme qui juge les autres sur la couleur de leur peau ne mérite pas d’être désigné comme tel.
Son chemin va l’amener dans une petite ville, Salvation, soumise au joug d’un important homme d’affaire qui ne fait que la considérer que comme un terrain de jeu pour ses employés. Laissant de côté sa traque de Dieu, Jesse va s’investir dans la défense de la ville d’autant que qu’il va retrouver une personne qu’il croyait à tout jamais disparue…
Reprenant les volumes #41 à #53 de l’édition original, cet avant-dernier volume nous rapproche forcément d’un dénouement que nous avons de plus en plus de mal à percevoir : comment Garth et Steve vont ils réussir à clore l’ensemble des intrigues qui continuent à tourner autour des personnages… Je pense entre autres à Tête de Fion qui surfe sur une vague de popularité sans précédent, à l’envoûtement dont est victime Cass, à la traque bien sûr de Jesse mais aussi autour de Starr ou encore le Saint des Tueurs… Et finalement, qui est vraiment cette entité ?
Je trouve que la qualité de cette série ne faiblit pas, ouvrant des portes et n’en fermant finalement que peu mais je ne doute pas que tout cela sera bientôt le cas…
Je reste un peu déçu de ne pas avoir trouvé ici la poursuite du courrier des lecteurs qui permettaient de découvrir une autre facette des auteurs et permettait aussi de voir le public en face de ce comic qui reste de mon avis très différent de ce que nous sommes habitués à lire.
Bien entendu, vous trouverez toujours les ingrédients qui permettent à cette série de se démarquer : de l’humour noir, de la violence et une capacité à ne pas se prendre au sérieux qui est on ne peut plus plaisant à lire !
Urban Comics (Février 2017) – 384 pages – 28.00€ – 9791026811169
Scenariste : 
Garth Ennis
Dessinateur : Steve Dillon
De la brousse texane aux champs de bataille vietnamiens, Jesse Custer poursuit sa traque du fugitif divin. Il est grand temps d’obtenir les réponses aux questions qui le tourmentent depuis si longtemps, mais avant ça, le prêcheur devra passer par la case “retrouvailles” avec une personne importante de son passé, endosser l’étoile de shérif de la petite ville de Salvation et s’opposer à un certain Odin Quincannon, homme d’affaires peu recommandable lié à une branche du Ku Klux Klan.

Songe d’une nuit d’octobre de Roger Zelazny


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Nous avons chroniqué il y a quelques jours Route 666 de Roger Zelazny mais ce n’était pas le seul titre réédité puisque dans le même temps Le Songe d’une nuit d’octobre entre au catalogue d’ActuSF… préfacé, excusé du peu, par Thomas Day.
Alors, tout se passe sur un mois d’octobre et ce mois d’octobre est un peu particulier puisque le soir du 31 octobre tombe sur un soir de pleine lune. Et cela ne semble pas anodin puisque notre narrateur, Snuff, un chien qui est le familier de Jack L’Eventreur, semble bien être en train de se préparer à un combat entre deux factions les ouvreurs et les fermeurs…
Basée essentiellement sur des dialogues, l’histoire nous fait avancer progressivement dans la découverte de cette préparation où les alliances et la stratégie seront déterminants à nouveau pour que l’un des camps sorte victorieux.
Je revins à la charge, m’attaquant à l’autre cheville. Elle évita mes machoires et m’assena un terrible coup sur la tête. Je vis trente-six chandelles, ou plutôt soixante-dix-huit car, après un tel choc, je voyais double.

Les membres des deux “équipes” sont des hommages aux personnages des littératures fantastiques et science-fictionnesques avec les apparitions de personnages comme Jack L’Eventreur (déjà évoqué) mais aussi Dracula, le Dr Frankenstein et sa créature, mais aussi des hommages même pas cachés à l’oeuvre de Lovecraft…
Qui sont les “gentils” et les “méchants” n’est pas si évident d’autant que, sans vous divulgacher l’intrigue, certaines alliances semblent réellement contre-nature.
Mais ce qui est particulièrement intéressant dans cette aventure est qu’une grande partie de l’histoire est centrée sur les familiers, des familiers qui vont donc jouer des rôles prépondérants dans le succès ou l’échec de leurs maîtres respectifs… Et qui vont devoir ruser en attendant de savoir comment se nouer les fameuses alliances sachant que le sort des familiers n’est pas des plus enviables !
Dehors, je trouvai une chauve-souris morte clouée à l’arbre par un carreau d’arbalète. Ce n’était pas Needle, juste une citoyenne ordinaire. Il allait falloir faire quelque chose…
Une histoire réellement sympathique bourrée de références.
ActuSF (Décembre 2017) – 284 pages – 18.00€ – 9782366298604
Traducteur
: Ange Desmarais (Etats-Unis)
Titre OriginalA Night in the Lonesome October (1993)
Quand le steampunk rencontre le mythe de Cthulhu.
Octobre. Dans 31 jours, le portail s’ouvrira et les Grands Anciens déferleront sur le monde.
Dracula, Sherlock Holmes, Raspoutine, le docteur Frankenstein… Ils seront tous là. Mais feront-ils partie des ouvreurs avides de pouvoir, ou seront-ils des fermeurs qui s’opposeront aux horreurs indicibles ?
Les familiers de ces personnages seront eux aussi impliqués dans cette murder party ésotérique riche en rebondissements. Tout particulièrement Snuff, un chien dont le maître, Jack, aime se promener la nuit dans Londres avec son grand couteau…
Le Jeu va commencer.
Quel sera votre camp ?

La contre-nature des choses de Tony Burgess



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Ce nouveau titre de la collection Exofictions est un des plus étranges que j’ai eu à lire ces derniers mois…
Les morts continuent à vivre, ou plutôt à remuer devrais-je dire, sans pour autant représenter une quelconque menace… Si ce n’est celle d’envahir le quotidien des survivants. Omniprésents, leur annihilation semble poser quelques problèmes : les différentes méthodes proposées posent des questions morales (pour ce qui était de l’option de les brûler dans des grands fours) ou pratiques (les enterrer ne sert à rien puisqu’à force de remuer, ils remontent à la surface).
C’est à cette époque que les gens ont cessé de mourir proprement. Ils étaient morts, au sens où ils cessaient d’être des gens. mais ils étaient vivants parce qu’ils arrêtaient jamais de bouger.
Bref, rien ne semble permettre de s’en débarrasser de manière totalement satisfaisante et la solution de les envoyer dans l’espace semble être un moindre mal.
C’est sur Terre devenu inhospitalière qu’oeuvre notre personnage qui a pour l’instant un besoin urgent de trouver un enfant pour.. Pourquoi d’ailleurs ? C’est une question que je garde dans un coin de ma tête parce que je ne suis pas bien sûr d’avoir compris tenants et aboutissants.
Toujours est-il qu’il y a certainement une très bonne raison, raison liée semble-t-il à cet artiste du chaos qu’est Dixon et qui a la particularité d’être un porteur de violence et d’agressivité.
Dixon a aligné sur une route des centaines de gens nus sur des chaises et il leur a foncé dessus dans un pick-up à cent soixante kilomètres-heure. Ca, il l’a fait plein de fois. Son record, c’est soixante-dix huit personnes – le nombre de corps qu’il a fallu pour arrêter le véhicule.
L’un traque l’autre et Y (l’enfant) se retrouve embarqué dans cette chasse à l’homme. Cette chasse est semée de violence et de scène crues, de viscères et pour certaines d’entre elles proche de la scatologie.
Le début est particulièrement dur à suivre et à la moitié du récit, nous plongeons dans une sorte de conte morbide dont on a du mal à percevoir où il nous emmène… Et je ne le sais toujours pas.
Une sorte d’Ovni finalement…
Actes Sud (Février 2018) – Exofictions – 192 pages – 16,80€ – 9782330092535
Traducteur
: Hélène Frappat (Canada)
Titre OriginalThe n-body problem (2013)
Couverture : Laura Kate Bradley
Un homme au bout du rouleau – le narrateur – sil­lonne un paysage de fin du monde sans lever les yeux. Tout là-haut, dans ce qu’il reste de l’ancien ciel et qu’il évite de regarder, l’Orbite charrie un milliard de cadavres. Parce qu’au bout du compte, l’apocalypse zombie aura surtout généré un gigantesque problème de gestion des déchets. Les brûler dans des fours géants ? Trop de mauvais souvenirs. Les enterrer ? On a bien essayé, mais pour se retrouver avec des hectares de boue grouillante. Alors on s’est mis à les envoyer là-haut. Quant à lui, il doit se trouver un fils avant le soir, autrement dit kidnapper un gosse pour qu’il l’aide à accomplir une mystérieuse mission.
Et puis il y a Dixon, son double maléfique, une vieille connaissance devenue vendeur de cadavres et un authentique génie du mal. Dixon pratique des tortures d’une barbarie et d’une sophistication pornographique qui en font l’homme le plus redouté parmi ce qu’il reste de survivants sur cette planète presque totalement in­hospitalière. Entre le narrateur et lui, un duel s’engage. L’occasion, pour Tony Burgess, d’ajouter à l’Enfer de Dante une multiplicité de cercles dont la puissance tient autant à leur imagerie traumatiquement poétique qu’à leur caractère politique de prémonition.

Normal de Warren Ellis


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Adam Dearden, le personnage que nous voyons arriver à Normal Head, semble avoir eu une vie stressante, à base de prédiction de l’avenir notamment… Son arrivée dans son nouvel environnement va être à base de rencontres avec des fous ou en tout cas, d’autres personnes qui semblent être dans une forme avancée de Burn-Out.
Dans cette société, anticiper, deviner l’avenir est une problématique de tous les instants et cette pression continuelle va les pousser dans l’abîme… L’Abime, nom donné à ce futur que tous ces veilleurs doivent fixer…
Il n’était plus vraiment un homme, mais un simple moignon cautérisé qu’on laissait pourrir dans une petite chambre.
Alors Adam arrive et tente de comprendre où il est et comment fonctionne ce nouveau monde auquel il est confronté, de comprendre comment ces différentes personnalités qui n’ont plus aucun pied avec la réalité, qui voit des complots partout tentent de sortir de leur névrose.
Et soudain, un de ses voisins de chambre disparaît…
Une masse noire d’insectes grouillait sur le lit. Et sur le sol autour. Ainsi que les murs et la fenêtre. Il n’y avait plus rien d’humain dans la pièce. Le tas sur le matelas n’était qu’une horde de mouches.
Il n’en faut pas plus pour enflammer l’imaginaire paranoïaque des résidents et pour pousser Adam a essayé de percer ce mystère, avant que d’autres ne réagissent pour, peut-être, masquer cette mort étrange.
Tout est disproportionné dans ce roman à l’humour grinçant, pointant du doigt dans le même temps ce besoin de contrôler un futur incertain et cette manie de voir des complots partout, à chaque porte. Un monde qui tend à nous rendre en permanence sur le qui-vive, un monde qui va nous pousser à faire des corrélations là où il n’y en a aucune, un monde qui en un mot, nous pousse à la névrose !
Adam essaie de comprendre et, d’une certaine façon de s’extraire de ce monde et porte un regard plein d’interrogation sur notre capacité à être libre, sans surveillance et retrouver, pourquoi pas, une certaine forme d’insouciance.
Un roman court et intense, qui va vite – comme notre société actuelle – et interroge sur ce que nous voulons pour demain.
Au Diable Vauvert (Février 2018) – 189 pages – 18.00€ – 9791030701739
Traduction : Laurent Queyssi
Titre Original : Normal (2016)
Prévoir le futur. Certains nomment ça fixer l’abîme. À Normal Head on accueille des veilleurs stratégiques civils ou militaires rendus fous par leurs visions de bouleversements géopolitiques, guerres de drones et apocalypses diverses. Quand on retrouve à la place d’un patient un tas d’insectes dans son lit, les névrosés et déséquilibrés de l’institut se lancent dans une folle enquête, entre aliénation et surveillance…

Expérience Mort de Denis Bajram


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La vie après la mort est une des thématiques qui revient souvent dans la littérature de Science-Fiction, et la première oeuvre à laquelle m’a fait penser un temps cette série en 4 volumes est Les Thanatonautes de Bernard Werber : la visite de la mort pour faire ultra-simple.
Pourtant la comparaison s’arrêtera immédiatement là puisque tout le reste diverge.
Ici, ce n’est pas la raison scientifique qui pousse nos voyageurs a plongé dans le mystique mais bien une raison personnelle puisqu’il s’agit d’une milliardaire qui souhaite sauver son fils. De même, point ici de saut “spirituelle” mais bien un départ physique dans un vaisseau attelé à la capsule du mort.
Voici donc une expédition qui va être montée pour vaincre la mort et dont les conséquences vont être détaillées tout au long des 4 volumes de la série puisque, vous ne serez pas surpris, ce voyage en Expérience de Mort Imminente aura des conséquences !
Avec un réel brio, Denis Bajram et Valérie Mangin vont nous entraîner d’abord dans l’expérience que vont vivre les voyageurs de la mort et ce qu’ils vont apprendre sur la vie après la mort avant que nous puissions suivre leur retour sur terre. Ce scénario sera complété par des dessins vifs et qui s’aligneront bien avec l’ambiance global de la série.
Vous allez découvrir à quel point l’humanité reste la même indépendamment des “bonnes” nouvelles qu’elle peut recevoir :)08
Scenario : Denis Bajram et Valérie Mangin
Dessin : Jean-Michel Ponzio
Editions Ankama

  • Tome 1 – La Barque de Râ (Février 2014) – 51 pages – 9782359103724
  • Tome 2 – Cimetière Céleste (Septembre 2014) – 51 pages – 9782359103977
    Katlyn Fork, la célèbre milliardaire américaine, ne peut supporter de voir son fils unique agoniser d’une terrible maladie.
    Elle décide de tenter l’impossible : l’accompagner à la frontière de la mort et l’empêcher de la franchir.
    Pour cela, elle réunit une équipe de savants qui construit un incroyable vaisseau capable de suivre une âme désincarnée.
    C’est un stupéfiant voyage hors de notre réalité qui les attend. Aucune des expériences de mort imminente connues n’aurait pu laisser imaginer ce qu’ils vont découvrir.
    On ne force pas impunément les portes de l’Au-delà !
  • Tome 3 – La résurrection de la chair (août 2015) – 46 pages – 9782359108132
    L’expérience hors limite de la milliardaire Katlyn Fork a trop bien réussi : la Mort a été détruite et l’humanité entière est en train de ressusciter.
    Le passage vers l’Au-delà est resté ouvert dans le ciel, poussant l’équipe de la première expédition à en préparer une nouvelle.
    Mais la Terre, surpeuplée par les ressuscités, est en train de sombrer dans le chaos. Partout les fanatiques se déchaînent. Certains sont même sûrs que Matt, le fils de Katlyn, est l’Antéchrist et que l’Apocalypse a commencé…
  • Tome 4 – La Porte du Ciel (Août 2016) – 46 pages – 9782359109689
    La Mort n’existe plus.
    Le retour des défunts plonge la Terre entière dans le chaos. Pour tenter de la sauver, la milliardaire Katlyn Fork, à l’origine de la catastrophe, prépare une nouvelle expédition dans le passage vers l’Au-delà. Mais une foule de plus en plus nombreuse suit sont fils Matt, le premier ressuscité, voyant en lui à la fois le Messie, l’Antéchrist et le prophète du Néant.
    Des scientifiques ou des fanatiques, qui détient la vérité ? L’humanité peut-elle échapper à son Apocalypse ?

Le blues, objet de toutes les convoitises


 


Une mère anglaise, un père cachemiri, Hari Kunzru – né à Londres en 1969 – a fait ses premières gammes dans le journalisme avant d’être repéré par la revue Granta comme l’un des jeunes romanciers les plus originaux du début des années 2000. Il venait alors de publier un récit débordant de drôlerie, L’Illusionniste, qui pastiche malicieusement Kipling en évoquant les multiples métamorphoses d’un «demi-roupie» condamné à une existence vagabonde dans l’Inde post-coloniale. Et puis, avec Leela, Kunzru changea totalement de décor en mettant en scène, sur fond de panique cybernétique, un apprenti sorcier assez diabolique pour envoyer sur le Net un virus capable de paralyser l’économie planétaire.
Les écrivains sont souvent des êtres décalés. S’ils ne pensaient pas que le monde est étrange, voire incompréhensible, ils n’éprouveraient pas le besoin d’écrire
Dans ces deux romans, le Britannique a inventé des personnages sans visage, sans véritable identité. Comme eux, il se sent «mal adapté à notre monde». Et d’ajouter: «Les écrivains sont souvent des êtres décalés. S’ils ne pensaient pas que le monde est étrange, voire incompréhensible, ils n’éprouveraient pas le besoin d’écrire. Leur vocation naît de cette frustration. Personnellement, j’ai parfois l’impression d’être un étranger ici-bas. Non pas un résident à temps plein dans notre époque, mais plutôt un simple visiteur.»
Lire aussi: Candide au pays de l'informatique
Mes Révolutions, son troisième roman, était de nouveau taraudé par la question de l’identité, puisque son héros est un Janus britannique égaré dans une société où il n’arrive pas à trouver sa place. Et pour cause: le lecteur finit par découvrir qu’il a vécu trois décennies dans le mensonge sous un faux nom, parce qu’il a du sang sur les mains pour avoir frayé avec les groupuscules terroristes des années de plomb.

Un blues prodigieux

L’imposture est encore au cœur de Larmes blanches, où Kunzru renouvelle une fois de plus son inspiration en s’immergeant dans le monde de la musique. Débarqué de son New Jersey natal après une adolescence difficile, ex-coursier au New York Herald Tribune, Seth – le narrateur – est un misfit aux poches vides, doublé d’un infatigable traqueur de sons. Muni de petits micros collés à l’oreille, il déambule à travers New York pour enregistrer les bruits de la ville. Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est la musique noire des années 1930, ces voix s’élevant du passé comme «un refuge loin du monde». Heureux hasard: alors qu’il se promène du côté de Washington Square, il observe une partie d’échecs en plein air, dont l’un des joueurs – un grand Black inconnu affublé d’une casquette de base-ball – entonne un blues prodigieux, «Oh oui, vraiment un jour j’m’achèterai un cimetière, et ce jour-là j’mettrai tous mes ennemis en terre…» De cette mélodie miraculeuse, Seth ne perdra pas une miette et la réécoutera en boucle sur son magnétophone portatif.
Lire aussi: La mort de B. B. King: dernier coup de blues
Son ami Carter partage la même passion. Et collectionne les vieux vinyles poussiéreux où l’on entend «le temps inverser son cours». Ensemble, dans un petit studio improvisé, Seth et Carter vont nettoyer l’enregistrement de Washington Square jusqu’à obtenir un a cappella parfait. Une voix comme celle-ci vaudra de l’or. Et c’est alors que la supercherie entre en scène: à force de bidouillages sophistiqués, les deux complices finissent par lancer sur la Toile le blues du joueur d’échecs en le faisant passer pour un morceau des années 1930 retrouvé dans de fantomatiques archives, un chef-d’œuvre vintage dû à un artiste noir injustement oublié dont ils vont aussi inventer le nom – Charlie Shaw.

Agression sauvage

La suite tient du polar. Parce qu’un collectionneur prétend que ce Charlie Shaw a bel et bien existé. Et parce que Carter atterrit à l’hôpital après avoir été sauvagement agressé dans le Bronx. Pour Seth, cette affaire est sans doute liée à leur arnaque sur Internet et il s’embarquera jusqu’au fin fond du Mississippi pour retrouver les éventuelles traces du mystérieux chanteur. Une enquête qui permet à Kunzru de remonter le temps jusqu’à cette époque où les Noirs inventaient le blues dans l’Amérique de la ségrégation, avant que les Blancs ne fassent main basse sur leur musique.
Larmes blanches relève aussi de la comédie des mœurs lorsque l’auteur de L’Illusionniste s’amuse à portraiturer la faune borderline de New York, hipsters tatoués de partout, pseudo-artistes reclus dans les lofts de TriBeCa, punks à la ramasse, tagueurs de trottoirs, «filles mélancoliques en cols roulés lisant des livres français». Reste la profonde nostalgie du romancier pour les musiques du passé, dont on retrouve les sortilèges quand les vinyles tournent sur les platines. «Lorsque tu écoutes un vieux disque, écrit-il, tu ne peux pas avoir l’illusion d’assister à un concert. Tu écoutes à travers un crachin gris de parasites. Tu ne peux jamais oublier combien tu es loin. Tu l’entends toujours, le son de la distance temporelle. Mais quel est le lien entre l’auditeur et le musicien? Que l’un des deux soit vivant, et l’autre mort, importe-t-il?»
Pas de fausses notes dans ce roman qui sonne comme du BB King, au cœur d’une Amérique où surgissent les voix blessées de tant de bluesmen en colère.

Hari Kunzru, «Larmes blanches», traduit de l’américain par Marie-Hélène Dumas, JC Lattès, 380 p.

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